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[Playlist] Moonshine – SMS for Location, Vol. 5

Album: SMS for Location, Vol. 5

Label: FORESEEN Entertainment

Genre: afrobeat, électro, baile funk, afrohouse, bass heavy

Sortie: 02 décembre 2022

Moonshine est déjà venu en région Centre présenter son précédent album « SMS for Location, vol. 4 », c’était en 2021, et c’était à Orléans à l’occasion du festival Hop Pop Pop. La rencontre avec les radios du réseau Campus France avait été l’occasion d’une discussion passionnée autour des musiques électroniques et l’afrohouse, en tout simplicité.

Le collectif québécois Moonshine revient en décembre 2022 avec un « SMS for Location, Vol. 5 » qui frappe très fort, comme le Tout-Puissant Mazembe.

Le collectif rassemble depuis 2014 des artistes issus de divers horizons musicaux, les samedis après la pleine lune (d’où le nom) dans des lieux gardé secrets et échangés par SMS (d’où le nom, là aussi). Le collectif est mené par quelques résidents comme Pierre Kwenders (à qui on doit le single « Papa Wemba » sorti plus tôt cette année, hommage à la star de la musique congolaise), San Farafina, AkAntu et Vanyfox. Moonshine a déjà convoqué à ses grosses teufs de cuisine les artistes Kaytranada, Dâm-Funk ou Venus X. Autant d’artistes qui contribuent à enrichir le catalogue du collectif, qui est un creuset culturel allant de la musique à la danse, de contenus audiovisuels (les clips du collectif ne sont jamais laissés au hasard) à la sape.

Alors « SMS for Location, Vol. 5 » concrètement c’est quoi? A quel genre s’attendre? Eh bien, tous et aucun à la fois! Et d’abord, pourquoi cataloguer? Pourquoi ne pas simplement se laisser porter? C’est la force Moonshine, ne fermer aucune porte et faire se rencontrer tous les genres avec le bounce en ligne de mire et ce petit plus qu’on rencontre dans les soirées improvisées, celles où on se laisse cueillir par une merveille musicale qu’on n’attendait pas.

L’album démarre avec « Bleu Goma », produit par une DJ suédois-congolaise, Bonaventure. Un titre qui d’entrée de jeu vous plongera dans ce qui séduit chez Moonshine: on démarre sur une rythmique dance très soutenue, dure, puis on glisse vers du gospel (et la participation du Kingdom Gospel Club originaire de RD Congo) avant de se plonger dans une brume électro descendue du Nyiragongo. Ce titre se veut un hommage aux victimes de l’éruption de ce volcan en 2021. Surtout, il introduit une sorte de sentiment de vol plané, de plénitude et de patience. Oui, le rythme est soutenu, on danse, mais on prend aussi le temps d’aller voir ailleurs, ça y est, on se sent curieux.

De la curiosité, il en faut car on file ensuite vers des sonorités d’Afrique lusophone avec « Calor » et l’artiste angolaise Nayela, avec « Na Cabeça » de NegoO et Sharabia ou avec « Off-White » et « Beris » produits par Vanyfox, DJ angolais installé à Lisbonne. Bienvenue en Angola donc, et bienvenue dans les rythmiques percutantes du batida et du kuduro. Des sonorités avec lesquelles nous sommes familiers à Radio Campus Tours (on a déjà mis en avant les sorties de Ikoqwe et DJ Batida), et qui mêlent musiques traditionnelles angolaises à des rythmes électro dans une volonté de faire danser, du clubbing intelligent. Intelligent, et transfrontalier, le titre « Beris » est également produit par Dekkapa, DJ berlinois qui se mêle à la fête et donne une profondeur house à ce titre.

Puisqu’on parle house et sonorités industrielles, le morceau « Obia » envoie la sauce, avec le duo Ebony (Jordan Gardner et Sylvermayne). Déjà entendu en 2019 avec des sons house plutôt souples, Ebony se lâche complètement, et débride sa musique électronique à grands renforts de voix entêtantes. Le duo Ebony est canadien, de Toronto, et on sent bien sur ce morceau résolument techno l’influence de la scène sudafricaine et de Détroit.

L’album de Moonshine lorgne aussi du côté de l’Afrique du Nord avec « Jamila », avec duo maroco-canadien De.Ville à la prod. Le chant en darija suit une instru douce, électro pop maghrébine très actuelle et travaillée.

Si le voyage musical fatigué vos semelles, faîtes tamponner votre passeport en Afrique centrale pour vous y reposer un peu les oreilles. Ne comptez pas y reposer vos semelles, le dancefloor vous y appelle toujours, avec « Ofele – Remix », un banger qui mêle électro, afrobeat et rumba. Surtout, en Afrique comme au Brésil par exemple, la musique même dansante n’est jamais loin des préoccupations sociales des gens. « Ofele » signifie « libre » en lingala, et chanter la liberté n’est pas anodin en RD Congo. Le titre de Pierre Kwenders est ici réhaussé par le remix de MC Azas, DJ congolais.

On reste toujours en Afrique centrale avec le surprenant « Fonfon ». Ce morceau combine musique AfroTéké (genre musical issu de la culture Téké, un royaume d’Afrique centrale) et sonorités urbaines très contemporaines. Un morceau très actuel, qui devrait parler aux aficionados d’afrotrap de qualité, et qui a le mérite d’ouvrir les horizons. S’il vous reste encore de l’énergie, « Vita Nzoto » sera une manière de vous jauger sur la piste de danse ou au maquis, car les Bpm s’y affolent, sur des lyrics du chanteur congolais Love Lokome, qui parle avec malice de la chirurgie esthétique.

De manière bien singulière, la chevauchée à travers l’Afrique de toutes les sonorités musicales se termine par « Afrotopia », un clin d’oeil à Jean-Patrice Keka, ingénieur aérospatial congolais. On ouvrirait presque ici une séquence « strip-tease » à la façon des célèbres documentaires franco-belges (dont le générique est joué par une fanfare bruxelloise d’inspiration congolaise, ça ne s’invente pas). Jean-Pierre Keka est un ingénieur qui depuis le début des années 2000 s’est mis en tête d’envoyer dans l’espace une fusée de fabrication congolaise. La musique prend ici une allure de BO de film d’aventures, mais il est vrai que le parcours de « Troposphère », la fusée congolaise, a tout de l’épopée. Imaginez un peu que dans les années 1970 de jeunes allemands firent de même dans le Zaïre de Mobutu, avec des fusées low-cost dans une ambiance tout à la fois jungle et afrofuturiste.

« SMS for Location, Vol. 5 » est une odyssée au coeur de l’Afrique, mais aussi (et surtout) au coeur des crossover musicaux, de la transmission et des passerelles. Plus simplement, on conseillera cet album à qui veut faire danser ses amis sur des sonorités changeantes, inattendues et qui portent haut les couleurs de la fête. En, un mot: bounce!

A Radio Campus Tours, on aime tout particulièrement « Bleu Goma », « Vita Nzoto » et « Obia ». A retrouver en journée et en soirée dans nos playlists.