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[Playlist] Ami Yèrèwolo – AY

Artiste: Ami Yèrèwolo
Album: AY
Label: Othantiq AA
Genre: rap

Notre époque est celle de grands chambardements, de ruptures et de révolutions. Le rap n’est pas exempté de ces vagues culturelles et artistiques qui traversent une époque, et celle qui nous arrive de Bamako par le biais de la voix de la rappeuse Ami Yèrèwolo est puissante.
Sorti le 30 avril, le dernier album « AY » (comme Ami Yèrèwolo) frappe un grand coup et nous envoie un vent venu du Sahel qui dépoussière complètement le rap, mieux que ça: l’album tout entier nous ravigote le pavillon de l’oreille par des sonorités inédites et intéressantes.

L’intéressant de cet album ne réside pas uniquement dans ses sonorités, mais dans l’appropriation puis l’hybridation totale de la culture hip-hop que font Ami Yèrèwolo et ses danseurs. Pas de copier-coller, pas d’alignement sur un genre ou un sous-genre du rap. Avec le producteur camerounais Blick Bassy, Ami Yèrèwolo signe donc son troisième album (après « Naissance » en 2014 et « Anga Yira Allah La » en 2013), celui dans lequel elle dit « s’être exprimée comme elle le sentait » 1

Ami Yèrèwolo est impliquée sur la scène malienne, dans sa ville de Bamako, où elle organise un festival de rap destiné aux femmes « le Mali a des rappeuses ». Pas uniquement par goût pour la musique, mais aussi parce qu’il est malheureusement difficile pour une femme de s’imposer sur une scène rap largement dominée par les hommes, notamment au Mali, où les femmes doivent lutter quotidiennement pour faire valoir leurs droits. Les premières des femmes à laquelle Ami rend hommage en chanson sont toutes les mamans. Dans le titre « Mama » elle dit (en bambara dans le texte) « Qui que tu sois, tu viens d’une autre personne, qui que tu sois tu viens d’une femme ». « Mama », un titre où en plus des paroles, on apprécie l’instru tout à la fois proche de l’afrobeat, mais explorant aussi des sonorités plus douces, planantes, tordant ainsi le cou à toutes les idées reçues sur le rap d’Afrique de l’Ouest.

Jeter un coup d’oeil au clip de « I bamba ». Les premières notes ont un petit quelque chose de Stromae. Puis vient alors un clip à la narration impeccable et où Ami Yèrèwolo et ses danseuses et danseurs surprennent par des attitudes et looks hauts en couleurs. Tout le dress-code du rap américain est réapproprié avec les éléments de la culture malienne mandingue. Les artistes du clip se jouent des codes, ce qui n’est d’ailleurs pas sans provoquer des réactions dans le milieu artistique malien, ainsi que le grand public: Ami est une rappeuse, qui dit ce qu’elle pense, habillée en short et en baskets, maquillée, et élevant la voix contre les inégalités.

Quant au flow, Ami Yèrèwolo peut marteler son rap comme sur le titre « Show Barrada », puis montrer qu’elle sait aussi poser la voix et emmener ses auditeurs et auditrices vers des sonorités plus douces comme sur le titre « Kalan ». Ami Yèrèwolo gère tout au long de cet album de dix titres. Elle gère, titre du premier morceau « Je gère »: un sujet-verbe explicite dans lequel la rappeuse rappelle à bon entendeur qu’elle fait désormais comme bon lui semble, et que son rap ne dépend plus du bon vouloir des autres. « AY » ne ressemble à rien de ce que vous avez pu écouter en rap et vient placer Bamako sur la carte du rap game, avec une identité singulière, à l’aise dans ses baskets, qui ne cherche pas à plaire au plus grand nombre mais à exprimer avec sincérité et naturel toute l’énergie d’une jeunesse malienne pleine d’espoir et de messages.

Pumpkin, Casey, Denise Chaila, TrueMendous et donc Ami Yèrèwolo. Le rap est désormais une affaire de femmes, et l’album « AY » ne demande qu’à chatouiller vos oreilles cet été.


1 Interview au site internet www.pan-african-music.com